Au début de cette crise sanitaire, quand l’annonce a été faite que nous allions devoir rester chez nous pour une durée indéterminée, comme beaucoup de personnes, nous avons été sidéré·e·s. L’immobilité a commencé ce jour-là.
Elle s’est installée dans nos corps comme dans nos têtes.
Ne plus bouger. Par peur de mourir, par peur de donner la mort.
Dès le départ de cette crise le gouvernement a nourri et entretenu la peur, nous parlant comme à des irresponsables, nous rendant encore plus impuissant·e·s., plus immobiles dans nos actes et nos pensées.
Cette émotion s’est transformée en un sentiment de défiance les un·e·s envers les autres, nous transformant, soit en délinquant·e·s, soit en délateur·trice·s. Comme si c’était les seules options possibles !
A la suite de l’annonce du confinement, pris·e·s de panique à l’idée d’être isolé·e·s, de voir se réduire notre liberté de déplacement, nous avons fait le choix d’imaginer d’autres options afin de rester en mouvement. Nous avons fait un cercle de confinement entre deux appartements distants d’1km, l’un abritant une personne seule et l’autre, une colocation de quatre adultes.
Doucement, nous nous sommes remis·es en mouvement. Cependant, nous avons bien senti, que même parmi nos proches, nous ne pouvions parler ouvertement de notre choix au risque d’être traité·e·s comme des irresponsables ou des délinquant·e·s, dans la veine du bourdonnement médiatique.
Se retrouver entre le marteau et l’enclume de la délinquance ou de la délation, nous a poussé·e·s à questionner cette position intenable. Sous le régime du consentement, en rétablissant les règles de souveraineté individuelle et de co-responsabilité, nous avons recommencé à agir en organisant des répétitions, des représentations dans un jardin et des karaokés dans une cour d’immeuble. Nous avons effectué en toute connaissance de cause ces déplacements et rassemblements pour des raisons qui ne rentraient pas dans les cases mais qui étaient absolument nécessaires pour nous comme pour nos voisinages.
Ces expériences nous ont confirmé que nous n’avions pas besoin seulement de nous alimenter et de nous torcher le cul. Nous sommes des animaux sociaux avec un besoin vital d’être en contact les un·e·s avec les autres, de nous rencontrer par-delà les écrans et les fenêtres.
Le monde a changé mais les règles du jeu non, ce sont les mêmes mécanismes, la même idéologie qui rejoue à nouveau le même morceau mortifère.
Rappellons-nous que le confinement sert à désengorger les hôpitaux : en aucun cas à lutter contre le virus. Mais le gouvernement en profite pour renforcer le contrôle social, pour abuser de notre solidarité, de nos engagements, pour alimenter la peur… Il s’agit d’un test à grande échelle de nos capacités de soumission et d’obéissance.
Ce n’est plus supportable !!!
Réapproprions-nous notre capacité d’utiliser nos esprits pour éloigner le mal comme dirait Arendt et accéder à la joie comme dirait Spinoza.
Puisque les choses leur échappent, notre responsabilité et notre bon sens seront nos armes.
Puisque les choses leur échappent faisons des choix en conscience.
Puisque les choses leur échappent, remettons-nous en mouvement
Nous nous rallions aux prises de paroles et aux pensées d’Hannah Arendt, Samuel Churin, Alain Damasio, Gilles Deleuze, Nancy Fraser, Naomi Klein, Franck Lepage, Frédérique Lordon, Viviane Forrester, Corinne Morel-Darleux, Monique Pinçon-Charlot, François Ruffin, Baruch Spinoza.
Jules Jobard et Emmanuelle Mehring